Scien et Klor sont originaires du nord de la France. Ils ont débuté le graffiti ensemble en 1992 et ont lancé avec d’autres graffeurs un collectif : 123KLAN.
L’amour du graff et de la lettre les a conduits au graphisme. Ils ont mélangé leurs savoir-faire pour créer un style unique qui leur a permis de se faire remarquer aux 4 coins du monde.
Depuis 2007, Montréal est devenu leur camp de base où ils développent leur studio de création.
Klor et Scien ont été publiés par les grandes maisons d’édition du monde du design, invités à peindre partout sur la planète et ont signé des éditions collector pour des marques comme Nike ou Adidas . Mais ils ne s’arrêtent pas là, ils ont aussi été invités à réaliser la direction artistique d’un jeu d’Ubisoft !
Nous avons rencontré 123klan à Montréal pour découvrir avec eux comment ils ont réussi à vivre de leur passion tout en gardant une très grande indépendance.
Si toi aussi tu souhaites te lancer en tant qu’indépendant, on a créé un quiz « Quel est ton profil de freelance ? », pour trouver la prochaine étape pour toi et développer tout ton potentiel à travers un plan d’action :
Comment devenir freelance et monter un studio de création ?
Des projets perso à l’indépendance
123klan a peint, beaucoup. Ils ont créé de nombreux projets perso, expérimenté, et surtout, partagé. Car comme ils aiment le rappeler, le graffiti est un partage. Ils peignent pour faire de la ville un musée à ciel ouvert.
Ils ne se sont pas lancés en freelance dès le départ. D’ailleurs, à leur époque, ce n’était pas une évidence de vivre du graff.
Mais ils sont arrivés au début d’internet. Et là aussi, ils ont partagé. Ils se sont connectés à d’autres créateurs à travers le monde et ont expérimenté sur leur site web qui a attiré l’attention des éditeurs et des marques.
Ce qui rappelle que lorsque tu crées des projets perso qui te ressemblent et qui ont un impact sur le monde, cela a deux bénéfices importants :
- Tu t’éclates, du coup tu brilles par ta créativité. Tu crées une identité unique qui te démarque de ceux qui ne répondent qu’à des commandes clients.
- Tu attires des clients, d’autres artistes avec qui collaborer, tu crées des opportunités que tu n’aurais pas trouvées.
Éviter de tomber dans le piège de la 1re voie.
En début de carrière, tu as deux types de parcours possibles :
- Si tu es pressé et que tu as une grosse pression financière, tu tombes vite dans la première voie qui nuit à long terme.
C’est soit en début de carrière, tu acceptes tout de suite la prostitution artistique parce que tu as besoin de manger ou parce que tu ne veux pas faire autre chose. […] Mais à long terme, je pense que ce n’est pas payant. »
Klor
Parce qu’au bout du compte, tu n’as pas développé ton identité, tu dépends d’une boîte qui peut te virer, car tu es trop cher pour eux. Une fois dehors, tu n’as plus rien.
- Ou alors, tu as la voix plus longue, mais plus pérenne, en développant ton identité, des projets perso et créatifs et en conservant ta liberté créative.
Oui, nous, on a eu une ascension très, très lente parce qu’il faut l’instaurer son style, faut l’imposer. »
Scien
Mais aujourd’hui, projet après projet, Scien et Klor ont construit un capital : une base de clients, une marque, des collaborations, et surtout une communauté qui les suit et les soutient dans leurs créations.
Nous, on est 123KLAN, on est nous-même. On n’a pas développé une grosse compagnie. On est juste deux. On ne va jamais se virer puisque ce qu’on a bâti durant toutes ces années, on l’a bâti pour nous. »
Klor
Devenir freelance en faisant une transition
Au début, pour pouvoir se permettre de dire non à des contrats qui ne les intéressaient pas, qui ne leur ressemblaient pas ou qui pourraient être dégradants ; ils ont toujours préféré avoir un boulot à côté.
Le couple a travaillé – à côté de leur passion – pendant plusieurs années, jusqu’à avoir des contrats de qualité qui leur ont permis de passer à temps plein dans leur entreprise.
D’ailleurs, Klor a été prof de français jusqu’à leur départ pour Montréal. Elle adorait ce métier. Mais une fois au Québec, elle aurait dû reprendre les études pour exercer.
Donc, c’était le bon moment pour qu’ils se lancent à fond dans 123KLAN.
Ce choix leur a permis de garder une indépendance qui leur a permis de bâtir une identité forte et une reconnaissance internationale.
La transition est ce qu’on recommande aussi à tous les créatifs qui veulent se lancer. Comme ça, tu évites de te dégoûter de ta passion en travaillant pour des clients-vampires.
On t’en parle plus en détail dans ce guide :
Définis tes besoins pour vivre
Ton objectif principal, au démarrage, c’est d’être capable de payer tes factures.
Tant que tu peux le faire en respectant ton travail et ta créativité, alors tu peux dire non à des clients qui ne te correspondent pas.
Tout ce que tu gagnes par ton art, c’est du plus. C’est ce qui te permet de développer d’autres projets que tu finances par toi-même, comme ta marque.
Tu n’as pas de clients ? Créer des projets pour les attirer.
Ne te morfonds pas si tu n’as pas de clients : c’est en fait une très bonne occasion pour te développer.
Comme le rappelle 123KLAN, c’est le moment de développer ce que tu as en tête depuis des années et que tu n’as jamais le temps de faire, puisque tu as du temps libre.
Ce que tu vas créer va te permettre d’attirer d’autres clients.
C’est d’ailleurs comme ça qu’ils ont créé leur tout premier site.
C’était gratuit, naïf, authentique. »
Scien
Et c’est comme ça aussi que tu attires des clients de qualité. Mais ça va aussi t’aider à évoluer, ça va te faire plaisir et ça agit comme antidépresseur !
Si t’as pas de clients, t’es pas mort. »
Klor
Développer ton style et ta propre identité
La culture chevaleresque du graff pousse les graffeurs à développer leur propre style, pour qu’en un coup d’oeil, on puisse savoir qui a réalisé l’oeuvre.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, le fait de développer ton style et ta patte est de plus en plus important, puisque l’on devient son propre média.
N’aie pas peur d’être toi, n’essaie pas de coller au style de quelqu’un autre.
Comment collaborer avec des marques connues ?
Grâce à leur style, leurs projets personnels et leur identité unique, ils attirent les marques qui souhaitent travailler avec eux.
Les marques ont besoin de se renouveler, de se réinventer pour continuer d’attirer l’attention du public et continuer d’exister.
Les graffeurs, les skaters, les surfers sont les nouveaux athlètes que les marques sponsorisent. Ils reflètent la culture actuelle, la « Coolness », la nouveauté et le fun que les marques recherchent.
Sponsoriser ou créer des produits avec ces artistes permet aux marques de rester cools et attractives pour leurs clients.
Les marques recherchent donc une singularité que seuls les créateurs peuvent leur apporter.
Mais créer pour les marques peut aussi être plus contraignant. Elles peuvent te demander d’être plus politiquement correct et de correspondre à leur univers.
Les marques ont trouvé 123KLAN grâce à leurs publications dans les livres, magazines, sur le web… Mais surtout parce que l’humain derrière la commande suivait déjà leur travail.
Sans le savoir, ils avaient déjà créé une relation avec eux grâce à leurs réalisations précédentes.
C’est la puissance de l’identité d’un créateur.
C’est d’ailleurs pour ça que 123KLAN a aussi développé sa propre marque.
Créer sa marque irrévérencieuse et autofinancée
Les débuts de la création de leur marque
La marque d’123KLAN est née de leurs propres envies et besoins. Lorsqu’ils avaient envie d’un item particulier.
Quand ils se sont installés ensemble au début, en HLM, ils ont récupéré de la vaisselle à droite et à gauche. Du coup, à un moment, ils ont eu envie d’avoir des tasses assorties.
Sauf que…
Tu vois que c’est cher et que c’est moche […] Je travaillais dans un restaurant à ce moment-là. Et puis, il y a un représentant qui passe dans le restaurant pour mettre les noms des restaurants sur les assiettes… Je lui fais « tu pourrais aller jusqu’où ? » et c’est comme ça qu’on a commencé. »
Klor
Lancer sa marque progressivement en l’autofinançant.
Chaque création de pièce ou de produit coûte cher si tu ne produis pas des milliers d’exemplaires.
Créer une pièce unique fait exploser les coûts.
Donc leur méthode a été de créer un produit à la fois, en une centaine d’exemplaires. Ils gardaient un exemplaire pour eux et vendaient le reste.
Une fois la première commande rentabilisée, ils pouvaient investir pour créer la pièce suivante.
Car il ne faut pas oublier que pour gagner ses premiers euros lorsque tu crées une marque de qualité, cela demande d’investir beaucoup en amont et dans le processus.
Conserver la liberté de sa marque
Lorsqu’ils présentaient leur marque dans des salons ou après de distributeurs, ils devaient faire produire de grandes quantités de stocks, qui pouvaient représenter jusqu’à 20 000$ de marchandise.
Il faut que tu puisses remplir ton carnet de commandes au minimum à 20 000 dollars pour récupérer ton zéro. Et à partir de là, là, tu commences à faire un dollar. Ça, c’est la réalité d’une marque. »
Scien
Mais finalement, ils ont décidé d’arrêter de fonctionner avec les salons pour se concentrer sur leur communauté et leur propre processus de vente.
On s’est dit, pourquoi se prend la tête à suivre ce rythme infernal de toutes ces grosses marques? »
Scien
En tant que petite marque, tu ne peux pas suivre les méthodes des grosses marques. Leur coût de production est beaucoup plus faible. Quand fabriquer un t-shirt pour une grande marque coûte 1$, il coûtera 12$ à une petite marque.
Leur marque, c’est leur laboratoire. Leur espace de liberté et d’expression. Ils sont libres de créer les designs qu’ils veulent. Ils ont la liberté d’être irrévérencieux, corrosifs et d’être eux-mêmes.
On se considère plus comme un bon label underground comme les groupes de hardcore, punk ou de reggae. C’est pas parce que t’es petit que t’es nul et que t’as aucun impact. Tu peux être petit et très fort. Nous, c’est ce qu’on essaie de faire. Si on est petit, on est authentique. »
Scien
Finalement, 123KLAN ne dépend pas que d’une seule source de revenus et peut donc sortir de cette pression de faire du chiffre avec sa marque.
Les secrets d’une collaboration réussie
Klor et Scien collaborent sur tous leurs projets, aussi bien en graff qu’en projets clients pour leur studio de création.
C’est une collaboration fusionnelle qui n’est possible que grâce à leur couple. Ils ont les mêmes enjeux et problèmes au quotidien, ce qui ne crée pas de décalage dans les attentes ou les ambitions entre les deux partenaires.
C’est une chose qui peut arriver quand les deux partenaires n’en sont pas au même point dans la vie.
Le fait d’être en couple, fait aussi qu’il n’y a pas de jalousie ou de concurrence qui s’installe.
Des fois, je peux être super bloqué sur un graff. Je n’ai aucun problème à ce qu’elle vienne sur mon graff bidouiller mes couleurs ou le remettre parce qu’elle est là pour m’aider, tout comme je suis là pour l’aider. Donc, il n’y a aucune rivalité. En fait, le seul but, c’est qu’à la fin, quand on a fini un truc ensemble, on soit content. »
Scien
Cette confiance mutuelle fait qu’il n’y a pas de doute sur les intentions de l’autre.
Les idées et les remarques de l’autre sont là pour faire évoluer le projet, pas pour blesser l’autre ou lui nuire. Cela fait une grande différence dans la collaboration.
Devenir parents et entrepreneurs
D’ailleurs, 123KLAN s’est agrandi avec les années, puisque Scien et Klor sont les parents de Tommy et Cléo, leurs jumeaux. Et pour eux, pas question de laisser les petits pendant qu’ils bourlinguent aux quatre coins du monde.
Avoir des enfants, ce n’est pas un fardeau, c’est juste un geste d’amour entre deux personnes. Puis, ils partagent ta vie. »
Klor
Scien et Klor ont emmené leurs enfants avec eux pendant qu’ils peignaient, dès le début.
Par exemple, alors qu’ils avaient 7 ans, 123Klan a été invité à Hawaï pour réaliser une murale. Ce qui veut dire qu’ils étaient toute la journée sur un parking à peindre une murale, pas sur une plage.
Pour rendre l’expérience intéressante pour leurs enfants, les responsabiliser, mais aussi développer une véritable relation avec eux, les parents les ont inclus au projet.
Ils leur faisaient choisir les couleurs, où encore reproduisait en géant leurs dessins d’enfants, avant de leur faire créer leur propre pièce.
Maintenant, Cléo et Tommy sont adultes et continuent de peindre avec ou sans leurs parents.
Finalement 123Klan, c’est du partage créatif et de la liberté à l’état pur.
À retenir :
- Crée tes propres références.
- Développe ton identité de créateur et affirme-la, n’essaie pas d’être quelqu’un d’autre.
- Développe tes projets personnels constamment.
- Assure une transition pour ne pas faire pourrir ta passion.
Où les suivre ?
Instagram : https://www.instagram.com/123klan/
Leur site web : https://www.123klan.com/
Facebook : https://www.facebook.com/123klanofficial
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